Une part d’histoire dans l’Histoire des grandes cités : le Mirail face à la rénovation urbaine du jour.
Un face à face entre des habitants vivant dans ces lieux et des mandataires qui les transforment : en entrée du film, des images rêvées dans un spectacle de théâtre d’ombres conçu comme une mémoire anonyme de ces cités devenues zones franches.
Le spectateur de ce documentaire devra passer du rêve, un peu dans la tendance du guignol des canuts lyonnais, à la réalité de ces habitats en l’année 2007. Un aller et retour. Du rêve à la réalité. Comme les gens, les espaces urbains ont aussi un passé. Les montages, images et voix sont souvent délibérément décalés, pour accentuer les difficultés de décisions, d’actions, de visions des acteurs de ces renouvellements urbains, des pensées de ceux qui habitent le Mirail.
L’histoire commence par une musique populaire de nostalgie andalouse. La nostalgie sera très présente sur la durée de ce film juste pour appuyer sur le phénomène de démolition que vivent les habitants de ces quartiers. Les bâtiments disparaissent, le Mirail se vide, mais personne n’arrive à sentir son devenir.
Dés l’entrée nous découvrons la scène du théâtre d’ombres, nous rentrons dans l’imaginaire de la marionnette. Le décor nous montre un paysage urbain, une silhouette apparaît et elle semble à la recherche d’un projet plus qu’à une réponse sociale nécessaire dans la réalité contemporaine de ces cités. Comme un portrait de la société d’aujourd’hui, où beaucoup de ces phénomènes organisés ne sont pas forcément compris par celui à qui ils sont destinés.
Très vite nous comprendrons que ce premier personnage est peut-être la silhouette d’un décideur des projets de rénovation des cités, qui se suivent selon les tendances politiques du moment. Ses pensées et ses réflexions théâtrales, rapides, retracent les quelques années passées jusqu’à l’apparition de la « bête » qui démolit. Nous sommes aujourd’hui dans la complexité de ces lieux économiquement bannis.
La scène suivante nous propose le passé de ces lieux dans les années soixante : à ce moment-là, terres agricoles, parc du château d’antan quand d’autres gens ont aussi subi décisions et réflexions qui ont transformé la vie et le paysage local. Nous découvrons le château de la Reynerie et son héritier. En voix-off, il nous apprendra une autre histoire de cette zone, la sienne, tandis que l’image nous montre la luxuriance de ces temps de vies, d’habitats, eux aussi oubliés.
Là nous rencontrerons une habitante active de la cité. Elle nous livrera son vécu et ses réflexions sur les nécessités du Mirail, et surtout la non-réponse économico-sociale de l’état aux problématiques de ces quartiers. Nous la suivrons dans les coursives jusqu’à son habitat lumineux où elle se positionnera sur la réhabilitation du Mirail. Nous la retrouverons plus loin dans le film. L’image nous montrera le beau-nostalgie dans la qualité architecturale de ces constructions et le laid dans l’abandon des pouvoirs publics qui peuvent valider le besoin de rénovations urbaines.
En voix-off nous entendrons des promeneurs urbains : « Les modes d’habiter ont dû changer. » Il nous est possible de découvrir, la nuit comme le jour, les plus Grands Projets Urbains construits dans le monde. Pendant leurs constructions, ces villes représentaient l’élite et le modernisme. Changement de mode de vie, elles sont devenues pour les gens de l’extérieur, via les médias et les économistes, les nouvelles cours des miracles modernes dans le monde. Les promenades urbaines, une récente forme de tourisme qui permet aujourd’hui de découvrir les quartiers des villes, souvent montrés du doigt dans les médias.
Une nouvelle scène de théâtre d’ombres jaillit et nous découvrons un groupe de promeneurs urbains sur la dernière passerelle existante du Mirail de l’architecte Candilis et de son équipe. Grâce à l’art du théâtre, le spectateur est porté dans la découverte de ces Grands Ensembles et dans la peur que suscitent ces cités aujourd’hui.
Une courte scène de nuit s’installe et révèle l’ampleur et la beauté de ces villes verticales conçues il y a à peine quarante années. Les plus grands architectes et acteurs des villes les ont rêvées. La nostalgie et le questionnement des habitants du Mirail qui vivent tous les jours la disparition de ces barres de béton se retrouvent avec un espace vide, cerné de rochers. J’appelle ces espaces, les sanctuaires.
Nous découvrons en voix-off l’appartement d’une habitante qui a vécu la naissance du Mirail avec ses parents dans les années soixante-dix. Puis dans la complexité des diverses immigrations que l’on peut voir passer encore aujourd’hui, le cas d’un des derniers conflits d’une des colonies françaises, l’Algérie, elle nous livre sa vie privée et ses choix de vie importants qui s’en sont suivis. Elle nous fait entendre le pourquoi de l’abandon de sa famille parentale et la création de sa propre famille au Mirail. Elle nous démontre la qualité de ces espaces de vie et le bien-être dans ces cités et son incompréhension face à la rénovation urbaine du jour. Le dialogue du couple, en voix-off, nous invite à partager une version de l’enfermement dans les cités. Les images nous montrent leurs enfants sur le chemin de l’école dans le contexte des espaces piétons de cette zone.
Cette nouvelle scène de théâtre d’ombres arrive pour souligner à la fois la non-réponse du GPU aux problèmes économiques de la population locale et aux différences culturelles des habitants de ces quartiers qui se disent être là malgré eux : « On nous proposait comme logement social le Mirail et rien d’autre. »
Une voix-off très posée arrive, c’est l’architecte en mission dans ces quartiers. Il nous conte l’évolution du projet de réhabilitation. Sa désillusion sur les constructions par son manque de moyens. Il va nous parler de l’avancement du GPU depuis 2004 et au fur et à mesure de son monologue nous visiterons de l’œil, toujours en décalé, les divers lieux parsemés dans cette grande cité, touchée principalement par la déconstruction de l’habitat. Cet architecte reste étonné par le manque de paroles d’habitants contre ces démolitions, et de la non-résistance des associations locales. Par contre la construction sur la place de Bellefontaine de bâtiments publics et de supermarché discount, vont bon train. Une autre apparente non-réponse aux populations locales ?
La scène suivante vient en contrepoint au dire de l’architecte. Nous retrouvons de nouveau l’habitante active qui pose clairement les vrais soucis du relogement des habitants des immeubles démolis, l’augmentation des loyers, l’incertitude totale à la fois sur l’avenir des habitants du Mirail relogés et de ces grands espaces vides cernés … de rochers, les sanctuaires générés par les démolitions.
Une nouvelle scène de théâtre d’ombres, nous découvrons la bête, le décideur des démolitions dépassé par les actions de la mangeuse de béton. Le personnage réalise qu’il doit s’entourer d’une équipe de techniciens pour gérer un tel projet. Ces parenthèses de théâtre d’ombres humoristique reviendront dans la durée du documentaire pour montrer la complexité de la gestion de l’espace habité.
À ce moment nous retrouverons la voix-off du groupe de promeneurs urbains. Le guide nous parle des anciennes passerelles de Candilis pour circuler de bâtiments en bâtiments à l’abri, ainsi que de la vie culturelle des plates-formes commerciales. Un étage au-dessus du réseau routier trépidant de monde et rempli de commerces. Ce sont ces mêmes dalles qui ont été abandonnées par les pouvoirs publics dès les années quatre-vingt. Cette scène est totalement au second degré, l’image nous promène dans ces coursives et nous remontre la beauté de l’architecture grandiose de ces lieux, le bien être des « bonjours » et « comment ça va ? » En voix-off, l’architecte nous raconte le nouveau Mirail rempli de nouveaux lieux prévus, salle de concert, bâtiments publics au sol, nouvelles voiries et places de qualité… tel que l’on sait faire dans notre société de consommation.
Une nouvelle scène de théâtre va nous faire vivre la suite de la promenade urbaine au sanctuaire Satie. Ce sont les lieux où les immeubles ont été démolis et marqués par des alignements de pierres, de roches comme un jardin japonais sans âme visuelle sauf pour qui habitait là. D’où l’ironie de la minute de silence pour l’immeuble de plus de trente années d’existence, de quinze étages et de centaines de familles disparues.
Dernier retour de l’architecte sur le phénomène du mémorial : les rochers alignés. Cette idée devrait faire son chemin, pourquoi ces grosses pierres ?
Peut-on dire que ces alignements de pierre, où l’on se heurte dans les cités, représentent la politique urbaine et culturelle d’une ville ?
Représentent-elles un sanctuaire en hommage aux familles ?
Sont-elles justes ou répressives ?
Nous finirons avec un paysage panoramique sur le beau parc et le lac de la Reynerie avec un témoignage, en voix-off, d’une dame à la retraite. Par son vécu et son métier d’institutrice au Mirail, elle nous parlera des qualités de la politique urbaine d’hier et d’aujourd’hui.