Écriture et réalisation d’un long métrage pour fin 2024.
Rédaction, Mimosa Witasari et Hervé Dangla.

Prologue

Le Mémorial de Rivesaltes vient d’ouvrir et retrace l’histoire de ce camp de réfugiés de 1937 à nos jours. Les derniers résidents officiels étaient les Harkis, venus d’Algérie jusqu’en 1965.

Extrait des archives nationales : Le camp de transit de Rivesaltes ferme officiellement en décembre 1964 après le passage de près de 21000 Harkis et leurs familles suite à l’indépendance de l’Algérie et la fin de sa colonisation par la France. Un village civil provisoire subsiste cependant jusqu’en mars 1965.

Pourtant, les derniers occupants dans un îlot de ce site d’environ 750 hectares de terrain militaire, étaient les sans-papiers de tous horizons, de 1985 à 2007.

Extrait des compte-rendus du délégué National de la CIMADE pour le Languedoc-Roussillon de septembre 2008 : A été créé le Centre de rétention de Rivesaltes en septembre 1985 jusqu’à 2007. Des milliers d’étrangers, parce que en situation irrégulière, ont été enfermés ici pour quelques jours, quelques semaines, avant d’être expulsés, éconduits, repoussés, évincés, jetés vers les pays dont ils avaient la nationalité. Depuis 2007 à aujourd’hui le camp de rétention est à Perpignan…

Le Collectif HDFS, avec le Club de Reporters du Mirail, propose de réaliser un film documentaire-fiction. Le 4ème cahier des Mémoires du Grand Mirail, 2023/25, pourrait comporter des paroles réfléchies à partir de nombreuses éditions d’archives et témoignages et des échanges de pensées intergénérationnelles en majorité entre des habitants et travailleurs du Mirail. Cette cité, ville, qui est aussi de 750 hectares où vivent des adolescents, des femmes et des hommes. Des descendants de familles qui sont, pour certaines, passées par Rivesaltes. Nous commençons cette année par écrire le scénario, le storyboard et les repérages de ce projet de film afin de le finaliser en 2025 pour tous ces êtres de l’Espagne, de l’Algérie, d’ailleurs et de l’histoire de la France.

Nous avons déjà réalisé 4 films documentaires-fictions avec Hervé Dangla, l’auteur de ce même projet de 52 minutes sur les mémoires du Grand Mirail : « Paroles d’Habitants » en 2003, « Je béton » en 2007, « le jardin des Bruyères » à Nantes en 2010, « Hors convention » en 2013. Ces films, entre autres, sont visibles sur le site dehorsdedans.fr, dans les médiathèques de Toulouse et en présentation sur le site du musée national de l’histoire de l’immigration.

Générique

Les personnages seront joués par des acteurs en lien avec les enjeux de notre projet. L’actrice jouant Isabelle, la quadragénaire, dirige une association qui accompagne les sans-papiers ; l’acteur jouant Thierry possède une montgolfière ; l’actrice jouant la doyenne de 88 ans est une ancienne responsable de la CIMADE du camp de rétention de Rivesaltes et Perpignan et aussi militante depuis toujours sur ces sujets ; les deux acteurs jouant Yanis sont des adolescents aux origines maghrébines et leur gémellité permet de mettre en valeur deux facettes du personnage de Yanis et de perturber le spectateur.

Les dialogues (soliloques et réflexions des personnages) sont tirés en partie de témoignages officiels, de livres d’histoire, d’archives et romans traitant de l’immigration, du rapport à l’autre, de l’indépendance d’anciennes colonies occidentales, de ses causes et ses conséquences. Si certains dialogues reprennent ou font références à ces ouvrages (voir liste ci-dessous), d’autres se construisent au fil de l’écriture et des discussions sur le scénario.

Liste des ouvrages de référence : Une éducation algérienne de Wassyla Tamzali, Marguerite et le colporteur aux yeux clairs de Leïla Sebbar, La peur des autres (essai sur l’indésirabilité) de Michel Agier, «Papa, qu’as-tu fait en Algérie ?» de Raphaeëlle Branche, La Part du Sarrasin de Magyd Cherfi, Ali Boumendjel de Malika Rahal, Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi, Grains noirs d’Alexandre Hmine, Une valise dans la tête de Rabia.


Synopsis

« indésirabilité » Tout ça à cause d’un bout de papier

Le fait d’être indésirable. Indésirable signifiant soit ‘Qui n’est pas souhaitable’ soit, définition qui convient mieux ici, ‘Que l’on ne désire pas accueillir dans un pays, dans un groupe quelconque’. C’est un état qui peut arriver à n’importe qui à cause d’un papier manquant.

Une rencontre muséale entre des personnages de différentes générations et camps. Ils confrontent leurs réflexions (et leurs histoires) de vie sur des terrains lourds du passé mais aujourd’hui oubliés ou neutres. Pour certains, ces espaces, les plages d’Argelès et le camp de Rivesaltes sont dans le « déjà-vu » parce qu’ils l’ont vécu il y a longtemps, pour d’autre cette histoire est dans le « déjà-entendu », leurs grands parents/parents en ont parlé et en parlent encore. Pour les plus jeunes, cette histoire d’hier ressemble beaucoup au camp de réfugiés actuel, Centre de Rétention, ancien hôtel de banlieue plus proche de l’aéroport local ; cela évoque aussi des « boats’ people » ou « les botés» ou « harragas », ces vagues de migration d’individus qui aujourd’hui échouent en Europe à la recherche d’une meilleure vie illusoire.

Nos narrateurs vont être interrogés par des posters frappants aussi sauvages que la femme à la langue bizarre qui les placarde dans leur quotidien. Doucement, ils vont échanger sur ces images fortes. Ils vont écouter l’autre puis, aussi doucement, conter leurs expériences et leurs besoins de se retrancher sur le Mémorial de Rivesaltes. Nous sommes sur la côte Vermeille et, comme beaucoup de côtes méditerranéennes, elle est devenue très touristique ces dernières décennies. Elle a dû transformer son passé migrant de Mémorial en Mémorial, en dissimulant ses centres de rétention.

Tout au long de ce documentaire-fiction, des sources du Mirail à la mer, nous croiserons la femme sauvage, artiste-dessinatrice étrangère dont personne ne comprend la langue, qui placarde les murs de ces dessins d’hier revus au tempo du jour. Une femme de caractère qui impose au passant le passé et le présent avec, sur ses dessins, des slogans écrits en gros et jetés « à la gueule » des gens ; comme par exemple « Qui oublie son histoire est condamné à la revivre » d’Antonio Grimsci, 1926 contre l’extrême droite Italienne. Ou Walter Benjamin qui a acté plus tard sur cette même côte. Ces affiches seront aussi toujours numérotées comme une allusion aux camps de prisonniers, de rétention de sans-papier, d’Indésirables.

Ces images, à partir de photographies et dessins qui illustrent et viennent de ces mêmes musées, Mémoriaux de réfugiés et camps de concentration d’époque que les gens visitent avec un ticket payant aujourd’hui. Comme les nouveaux camps nommés aujourd’hui, les Centres de rétention de sans papier, dans des hôtels ou bâtiments désaffectés. Elle reproduit ces dessins qui montrent le mal de ces lieux où on a entassé des dizaines de milliers de personnes, forcées de fuir ou de mourir à cause d’un papier manquant ou d’une pensée différente de celle dirigeante. Ces images, redessinées à côté ou par-dessus en couleurs ou non, vont représenter les mêmes lieux d’hier avec le contexte du jour comme la cité du Mirail et dans l’opulence du tourisme d’un été sur une plage méditerranéenne.

Nos narrateurs vont devoir déchiffrer ces images et échanger dessus.

Nos personnages de différentes générations, camps, origines et histoires vont devoir se retrouver dans ce village mémorial aujourd’hui avec ces cabanes/cabanons/terrains vagues en partie muséifiés sur une excuse. Ils ne se mêlent pas les uns aux autres, sauf pour les repas. Ce temps à part, ils restent seuls dans leur espace imposé par eux-mêmes tout en exprimant leur attachement, leur dualité, leurs souvenirs, leurs réflexions.

Au fil des rencontres, ils vont se confronter aux idées, curiosités et vécus des uns et des autres. Lentement, ils vont devoir s’adapter à leur voisin – ou ne pas s’y adapter.

C’est Yanis, l’adolescent aux deux facettes, des fois rebelle, curieux, à l’écoute mais toujours provoquant (en douceur ou brutalement), qui va générer les rencontres des uns et des autres. Ses deux facettes se verront dans la tenue et la gestuelle, le caractère calme ou intempestif, et dans les deux acteurs jouant le personnage (des jumeaux parfaits afin de plus perturber le spectateur). Nous misons sur ces différences pour amener une réflexion sur la compréhension du problème des jeunes d’aujourd’hui devant les actes des adultes de notre société.

C’est Isabelle, une quadragénaire d’origine croisée, qui survit au centre AFPA à côté du camp. Elle s’occupe de l’épicerie solidaire un tant soit peu inventée sur cet ancien camp militaire Joffre qui va ouvrir l’histoire avec les parfums et mélanges de cultures grâce à la cuisine méditerranéenne. C’est elle qui va réunir nos personnages autour de l’essentiel chez l’humain, le manger. L’adolescent, le trentenaire et la quadragénaire, puis l’invité et plus tard l’aïeul(e) jusqu’au fantôme vont se rencontrer. À partir de brèves paroles, de regards entre les uns et les autres. Nous suivrons aussi chacun d’entre eux dans leur espace privé et leur vision du monde.

Notre doyenne, une dame de 88 ans, vient du nord de la France. Dès 1960, elle a fréquenté ces lieux en tant que militante depuis toujours ; témoin, professionnelle, bénévole et encore active. Elle connaît ces trois sites et elle tient à passer son message de mémoire à quelqu’un. À partir de ses propres écrits, elle nous contera comment cela se passe.

Thierry et sa montgolfière, l’invité, va se joindre à eux par accident, à cause d’une panne de vent. Un homme neutre, tranquille, pour qui la vie et son histoire se passe et coule au gré des plaisirs que lui offre ses passions. Il vient du ciel pour rencontrer et écouter l’autre, en spectateur. Il va pourtant écouter ces entités, intervenir ou mettre son grain de sel dans cette cuisine en plein air.

Afin d’accentuer le côté fiction de ce documentaire-fiction ils seront hantés de fantômes, revenant.e.s des gens d’hier et de toutes les origines jusqu’à aujourd’hui pour évoquer le passé d’immigration de masse qu’ont connu ces terrains. Des fantômes, avec une voix off ; des fois de femme, d’enfant ou d’homme, ces voix vont illustrer les conditions des migrations, qu’elles soient politiques ou autres. Notre personnage va se métamorphoser suivant les images de ces multiples origines que nous savons des migrations passées sur cette zone. La retirada espagnole, les juifs, les tziganes, les allemands, les harkis, les Coréens, les sans papiers de tous horizons, etc. Cela sera représenté par des marionnettes de taille humaine dirigée par une marionnettiste visible à l’écran.

En ce qui concerne les terrains de prises de vue. Les premières images vont nous faire découvrir la cité du Mirail, ou la ville moderne en 1967. Inaugurée en grande pompe et aujourd’hui entendue comme un ghetto de 750 hectares avec plus de 20 000 personnes, de diverses origines avec une très large majorité maghrébine, qui y vivent. Après quelques minutes, nous découvrirons (toujours vue du ciel) la mer méditerranée, puis la plage du Racou, celle d’Argelès-sur-mer et le camp de Rivesaltes, avec beaucoup plus de 20 000 âmes qui y ont été entassées.

Les dialogues sont tirés de témoignages officiels et de nombreux livres d’histoires, d’archives et romans. (voir la liste et écrits relevés)