Film documentaire de création – 37’ (2006)

Le voyage de Monsieur Jacques

Note d’intention

La passion est-elle seulement notre secrète vie ? Je n’ai jamais envisagé ma vie sans passion ; c’est comme une sorte de précontrainte que je me suis toujours imposée, et avec jouissance.

Du moment où j’ai pu quitter l’enseignement obligatoire j’ai commencé à vivre ma vie, allant des compagnons de l’art du bois en Écosse, au début des années 80, jusqu’aux diplomates de la communauté européenne, qui prétendaient améliorer la vie de milliers de laissés pour compte de la société qui survivent, entre autres, sur les plages du sud de la Colombie.

Je pense toujours que les gens sans passion sont pathétiques. Depuis 25 ans, je voyage dans tous les mondes, l’aplat de la photographie m’a permis de montrer le vide, le plein, le beau et le laid de l’homme. Depuis quelques années j’ai découvert la vidéo ; elle me permet de tourner autour d’un thème en temps réel et de relever l’envers du décor.

Le passionné m’a toujours attiré et j’imagine que ce qui dénote de la passion chez autrui passe aussi par les moyens qu’il se donne de se livrer, de s’ouvrir et de partager. Pourtant, j’essayerai toujours de comprendre le sans passion et j’ai aujourd’hui la volonté et la force de confronter le passionné et le sans passion.

Ma passion me permet d’aller très prés des gens, découvrir l’ouie et le regard, et je refuse de parler simplement d’une proximité « citoyenne » dans cette histoire documentaire que je propose. La remontée dans le temps, commune à chaque passion présentée dans les détails ainsi que les manies liées aux passionnés jouent leur importance.

Je crois fortement aussi à l’importance de brefs moments rêvés d’ »images oniriques », pas du tout en forme de fiction, juste quelques images chromatiques, de petites séquences tout à fait réelles, comme un accélérateur, un amplificateur passionnel.

A partir de là, les personnages sont de vrais acteurs, mais ils ont besoin d’ yeux et d’oreilles pour se livrer, d’où Monsieur Jacques : il était au service des gens, puis la retraite lui a retiré sa fonction, « sa passion » d’être au service des autres .

Les portrait que je souhaite filmer jouent dans leur réel face à l’autre, face à la société ; la caméra, « l’autre », c’est le spectateur.

Le paysage et cette lumière fraîche de la vallée du Var , portent non seulement sur le beau, mais aussi le laid, puisqu’ils vont nous emmener dans l’enfermement, « ne sachant plus où se trouve le plein de la vie ».


Scénario

Trame

Mr Jacques, le fil conducteur du voyage dans ces portraits passionnels.

Jeunes dandy retraité, il décide de partir en balade et doucement remonter la vallée du Var avec le train des Pignes. Personnage curieux qui va polariser les intérêts de toutes les passions en léthargie et générer une alchimie humaine. Le but de son voyage, de Nice à Digne, marcher seul en montagne, redonner un sens à sa vie, en passant par Villars pour goûter le vin, car déjà depuis longtemps son fils, œnologue, lui en a donné la passion.

La « voix » unique du chemin de fer de Provence va aussi l’absorber, tout comme la force des paysages que l’on découvre lentement, depuis l’intérieur des wagonnets de 1908, en contraste avec les plus récents, comme une mouvance spatio-temporelle.

De l’aveuglante plage de Nice jusqu’à Digne, où doucement, aussi, la vallée et les montagnes vont se renfermer jusqu’au profond de la nuit, en fin de ligne.

L’importance du paysage

Filmé aux premiers jours d’automne, pour la qualité de la lumière et des couleurs naturelles de Provence. D’un paysage urbain, « rationnel », très ouvert sur Nice, à des vallées de plus en plus engoncées, pour terminer sur un tunnel végétal.

Minéralisation du paysage, la montagne de plus en plus présente, parfois oppressante.

Le paysage se referme, la végétation se rapproche, les pensées s’y enferment.

Métaphore de la passion et de l’enfermement qu’elle génère. Ce paysage symbolise aussi, par son enfermement, un passage vers l’intime : les personnages rencontrés nous livrent, à travers leurs passions, le secret de leur vie.

Montage visuel

Vision onirique de ce voyage : on se retrouve dans tous les temps, présents-passés, l’histoire, les souvenirs, et dans toutes les réalités : réalité de l’histoire, des souvenirs jusqu’à l’irréalité de l’interprétation et de l’obsession du phantasme de l’homme.

Des aller-retours entre les histoires des personnages, leurs présents et leurs passés, le train d’aujourd’hui et le train à vapeur. Au fil du voyage, on révèle chaque personnage, chaque histoire-passion, démarche introspective qui interroge la frontière entre l’une et l’autre.

Montage sonore

Le son, notamment celui lié aux rêves, enregistré en parallèle aux séquences filmées, se construira au même rythme temporel que l’image : sons naturels, sons mécaniques qui exacerbent les passions.

Film documentaire

Il se construit sur d’étranges personnages qui vont rencontrer Monsieur Jacques tout au long de son voyage, tous animés par des passions démesurées.

comme un aller simple entre les gens qu’il rencontre, leur passion, des lieux, des paysages, la « voix » unique de la vallée du Var étant le vecteur de cette histoire. Mr Jacques, confident des passions, devient la caméra, un des personnages du film, et conscientise sa propre passion, manifestée dans son voyage grâce aux rencontres.

Monsieur Jacques invite le spectateur au voyage à travers lui. Le spectateur devient voyageur omniscient.

Chaque personnage se livre à Jacques en fixant pudiquement la caméra et s’adresse au spectateur qui devient à son tour Mr Jacques. Qui devient qui ?

Théâtre des passions

Ces passions transporteront le spectateur jusqu’au douzième siècle, à travers des histoires vraies et quelque peu interprétées par les personnages, qui prennent forme par et dans leur rôle respectif. Chaque lieu génère une mise en scène individualisée inhérente à la passion exprimée, avec ses propres règles. Les scènes de rêves

Six séquences qui rythment le déroulement du film entre chaque rencontre : courtes séquences de nuit, avec éclairage à la lampe, en noir et blanc, « sorte de fiction ». Quelques dizaines de secondes, des images oniriques, surréalistes, intemporelles. Série d’images volées.

La caméra suit la lampe : on n’aperçoit que des bribes d’éléments qui évoquent l’incertitude des matières, des ambiances, des souvenirs de l’histoire précédente. On se perd dans le temps, on ne sait pas si l’on se situe dans le passé, dans le présent, dans la réalité ou dans les souvenirs/passions des personnages.


Fiche technique

Site : Région Provence-Alpes-Côtes d’Azur,

Tournage : itinérant de Nice à Digne dans la vallée de Var.

Date de tournage : de juin 2005 à mars 2006

Producteur : Média2 Méditerranée, Marseille

Directeur de production : Christian Pésci

Auteur : Hervé Dangla, Marseille

Co-réalisateur et metteur en scène :Hervé Dangla et Christophe Modica

Cadreur : Christophe Modica

Directeur de photographie : Hervé Dangla

Son : Christophe Modica

Création et musique originale : Loule Sabronde

Coordinatrice et script : Claire Dabos